BULLETIN INFO PÊCHE 48 : le rapport sur les conditions du moment et les conseils du mois
Inquiétudes et pessimisme chez les moniteurs-guides de pêche de Lozère face à la sècheresse qui menace plus que jamais nos cours d’eau et les espèces qui y vivent.
La saison bat son plein en Lozère, et le moins que l’on puisse dire c’est que les saisons se suivent, mais ne se ressemblent pas. Après une année 2021 où les chauffages ont tourné jusqu’à fin juin et où les épisodes pluvieux à répétition nous avaient offert une saison de pêche relativement longue et pêchante, et nous auraient presque fait oublier l’inéluctable… À l’image de la majorité des autres départements français, le déficit hydrique de l’hiver et du printemps dernier, couplés à une fin de mois de mai caniculaire ont, en 2022, et comme nous le redoutions tous, impacté nos cours d’eau lozériens au plus haut point, et rendu les conditions de pêche très difficiles pour la saison.
En parallèle de nos observations de terrain, l’alerte a été sonnée par nos institutions puisque exceptionnellement une commission sécheresse a été organisée en préfecture en cette fin mai. Affaire à suivre donc, en attendant un quelconque changement, il est encore une fois l’heure de faire la danse de la pluie et d’espérer que les conditions s’améliorent un peu et reviennent à la “normale”, pour regonfler un peu des niveaux d’eau au plus bas et faire baisser un peu les températures des cours d’eau, qui pèsent déjà sur les écailles des salmonidés, au point d’en réduire leur activité alimentaire, dans le moment crucial pour leur croissance que sont les mois de mai et de juin.
En termes de conditions, sans surprise, après cette entrée en matière quelque peu alarmiste, la vallée du Lot nous a offert par le passé des jours meilleurs au bord de l’eau. Malgré un début de mois plutôt heureux pour les pêcheurs, avec des éclosions diversifiées d’Edyonurus, Semicoloratas, Danica, plécoptères et tricoptères en tous genres, les poissons n’ont pas toujours été au rendez-vous et sont pour la plupart déjà passés aux heures d’été en cette fin mai. Les premières et dernières lueurs du jours offrant toujours par secteurs quelques coups intéressants, dernièrement les journées à la mouche furent souvent longues et les dérives nombreuses pour espérer toucher quelques poissons, de taille très modeste pour la plupart. Aux leurres certains ont su tirer leur épingle du jeu sur quelques coups de folie mais dans l’ensemble, le bilan reste également très mitigé.
En effet, plusieurs prises de températures ont récemment dessiné des courbes aux allures estivales, avec des niveaux d’eau dignes d’un mois de juillet, De l’amont vers l’aval nous avons ainsi pu mesurer de 16 jusqu’à 19 degrés en plein courant sur le linéaire lozérien du Lot, et 17.5 sur la Colagne, ce qui n’est évidemment pas de bonne augure pour présager de bonnes conditions de pêche à la truite.
De l’autre côté du Sauveterre, le Tarn, qui a la réputation de chauffer plus vite que sa cousine Lot, n’a pas failli à celle-ci, et même si début mai les températures permettaient encore des pêches correctes, les conditions s’y sont vite dégradées au point que les pêcheurs aient déjà dû récemment se rabattre sur la pêche des cyprinidés, plus résistants à l’élévation des températures. Certains ont même pu en profiter pour oublier les waders un temps, pêcher en short et chaussures d’eau et se baigner en fin de session pour se rafraîchir, du jamais vu ici en mai.
Plus haut dans le département, les rivières d’Aubrac et leurs parties amont souvent découvertes, ont subit les récentes fortes chaleurs, au point de pouvoir mesurer la Truyère à 22°C (sans faute de frappe) en plein courant. Les conditions n’ont donc pas non plus été au rendez-vous et les parties de pêche difficiles, malgré une grande diversité d’insectes sur la rivière et ses affluents, avec des sedges de toutes tailles, éphèmères, plécoptères jaunes, diptères et même bibiomarci. Mine de rien une certaine activité de surface a lieu par moment de la journée dans les veines principales.
Plus à l’est le haut-Allier fait également pâle figure, malgré des eaux qui ne se sont pas encore trop réchauffées (16°C), les poissons n’y sont pas forcément plus actifs et les eaux basses y rendent les approches souvent infructueuses. Plus en aval es lâchers d’eau pour le soutien d’étiage ont débuté dès la mi-mai à Naussac, le débit dans les gorges de l’Allier est de +/- 5 m3/s et la température de l’eau plus fraîche à 12.5°C. Le Chapeauroux a su quant à lui offrir quelques après-midi fastes en sèche, mais les gros poissons y sont toutefois restés boudeurs.
Côté Cevenol, l’influence méditerranéenne pèse toujours plus sur les rivières, au point que notre voisin ardéchois prépare déjà une fermeture anticipée de la pêche en première catégorie pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. L’Altier et le Chassezac côté Lozère ont connu leurs fameux « coups d’Ecdyos » jusqu’au 15 du mois, par la suite l’Altier s’est progressivement endormi à mesure que l’eau y a baissé et chauffé, quand le Chassezac est resté fidèle à son régime réservé par les barrages, et intermittent en fonction des lâchers d’eau.
Enfin, pour ce qui est des lacs, la côte de Naussac est passée en dessous des 940m. La température oscillant durant le mois entre 16 et 19 degrés approche désormais les 20 degré en surface lors des journées bien ensoleillées accompagnées par le vent du sud. Un vent parfois violent a encouragé les plus téméraires à se montrer prudents sur l’eau. Sur Charpal la pêche est restée aléatoire, la température de l’eau est également largement supérieure aux normales de saisons, les rythmes d’activités sont très instables, ceci étant normal avec une eau à la température en constante augmentation et un manque de vent. La température de surface y dépasse parfois les 20 degrés et les poissons restent très apathiques… Les brochets sont encore bien maigres et la chaleur risque d’accentuer le phénomène. L’usage de 4×4 reste recommandé pour mettre à l’eau à cause des ornières présentes sur la mise à l’eau.
Personnellement, ces conditions extrêmes ont été le temps pour moi de me souvenir de ma plus tendre enfance, celle-là même où fin août il était difficile de rester plus d’une minute dans l’eau du Lot, sur la partie pourtant stagnante et ensoleillée au dessus de la digue du village des Salèlles, tellement l’eau y était froide… Bon c’était il y a soixante ans aussi, donc c’est normal j’imagine, les choses changent, inéluctablement, il faut l’accepter, c’est un fait la planète a et a toujours eu des cycles de réchauffement/refroidissement quoi qu’en disent certains… Ahh attendez, on me dit dans l’oreillette que c’était il y a 20 ans à peine en fait… Adieu mon argumentaire. J’ai le souvenir d’un 31.5°C en août lors de la première canicule de 2003, où tous les locaux étaient alors choqués « d’une telle cagne ». 20 ans après cet épisode de ma vie, et aujourd’hui à peine trentenaire, force est de constater qu’en Lozère, 1 semaine ou deux à 35°C+ l’été c’est devenu la routine, espérons que ça ne le devienne pas dès le mois de mai …
Un bilan relativement mitigé au Pays des Sources donc, et les prévisions météo sans pluie pour cette première quinzaine de juin n’augurent rien de bon… Espérons que les pêcheurs de Lozère et de Navarre ne soient une fois de plus pas les seuls à tirer la sonnette d’alarme et à jouer leur rôle toujours plus important de sentinelles au côté des cours d’eau. Les seuls également à en pâtir en voyant mises en place d’éventuelles restrictions dans leurs pratiques, et que la prise de conscience nécessaire à un changement radical de nos activités humaines fasse enfin surface, avant qu’il ne soit trop tard. Car bien que nos activités de pêcheurs, qu’elles soient professionnelles ou de loisir, pourraient rapidement se voir compromises suite à ces saisons sèches à répétition, il est important de se rappeler que dans nos trains de vie d’humains à 200km/h, l’eau reste et restera un élément fondamental à la survie des truites bien sûr, mais également à la notre, de survie à tous, bien avant l’huile de tournesol et le gasoil, si rares et chers soient-ils. À cette époque où les interdictions pleuvent de toutes parts, contrairement à l’eau, personne n’a encore trouvé la solution pour interdire aux gens de rêver, alors profitons-en, des fois que…
Pour la compagnie des guides de pêche de Lozère.
Thibaut DUPUY – Pêche au Pays des Sources